Le destin étonnant d’un soudard italien devenu seigneur d’Yermenonville



Par quels méandres un italien, César de Cafardel, a-t-il bien pu se retrouver seigneur d’Yermenonville en 1610 ?
Le point de départ de cette affaire réside, vers le milieu du XVIème siècle, dans la volonté des espagnols, maîtres du royaume de Naples, d’y installer la redoutable Inquisition. La décision en est prise en 1547 par le vice-roi de Naples don Pedro Álvarez de Toledo, qui comptait bien s’appuyer sur cette institution pour réduire l’influence de la noblesse italienne 

De fait, Ferrante Sanseverino, richissime prince de Salerne, grand militaire et grand mécène (et par là même très populaire), s’opposa ouvertement à l’installation de l’Inquisition, fit appel auprès de Charles Quint, fut pour cela acclamé par la population et traversa Naples à la tête d’une petite armée à titre de provocation.

Le vice-roi mobilisa tous ses moyens pour en finir avec lui, tenta même de le faire assassiner (il ne fut que blessé par un coup d’arquebuse) et le fit convoquer par l’empereur Charles Quint. Ne se sentant plus en sécurité, le prince de Salerne ne se rendit pas à la convocation de l’empereur, flairant un piège, et partit en exil, pour Venise d’abord, puis pour la France. 

Tous ses biens lui furent confisqués et il fut condamné à mort par contumace dans le royaume de Naples. Il se tourna alors vers le roi Henri II qui lui accorda une pension et le poste de gouverneur de Tarascon et Beaucaire.

Ferrante Sanseverino, prince de Salerne, ne vint pas seul en France. Comme tout grand seigneur, il était accompagné par un groupe de courtisans et de compagnons d’armes, parmi lesquels un certain Tres d’Hercules, qui se trouvait être l’oncle d’un petit César Cafarelli, de famille noble, né dans la ville de Tursi (près de Matera).
 
Cet oncle, dont tous les biens avaient aussi été confisqués, trouva à s’employer comme militaire auprès d’Albert de Gondi, lui aussi italien d’origine, duc de Retz et maréchal de France. Ce dernier lui proposa aussi de prendre son neveu César, âgé de 6 ans, comme page auprès de lui. Le nom de l’enfant fut alors francisé en Cafardel. Quand il fut en âge de porter les armes, il entra comme militaire dans la compagnie du duc de Retz.

Les armes de César de Cafardel : d'argent, à quatre flèches de sable, les pointes détachées du fût, passées en sautoir, deux en bandes et deux en barre, les flèches supérieures hautes, leurs pointes se rejoignant au point du chef, les flèches inférieures basses se rejoignant en pointe, et en arc.
Les émissaires de Madame de Maintenon, inspectant sa dalle funéraire, n'y avaient vu que "des bastons" !

Commença alors la longue carrière de notre César de Cafardel, dans la mouvance de la puissante famille de Gondi qui ne lui ménagea pas ses faveurs. Il fut officiellement naturalisé par Henri III en novembre 1587 et participa à des opérations militaires en Poitou (prise de Mauléon, Montagu et Grenache en 1588), sous les ordres du marquis de Maignelais, qui n’était autre que le gendre d’Albert de Gondi.

En ces périodes agitées des guerres de religion, un militaire avait souvent de quoi s’occuper : c’est ainsi que l’on retrouve César de Cafardel au siège de Laon et en Picardie en 1594 dans les troupes du duc de Retz, puis, en qualité de lieutenant au régiment des Gardes Françaises, dans la compagnie du duc de la Verrière, aux sièges de Dijon et de La Fère en 1595.
 
En récompense de ses bons services, le roi Henri IV le fit vers 1596 « capitaine entretenu » sur ses galères. Il est clair que César de Cafardel ne mit jamais le pied sur une des galères du roi : le poste de capitaine entretenu correspondait à un emploi fictif dont on touchait les revenus sans exercer aucune charge.

L’affaire nécessitait l’accord du général des galères du roi, ce qui ne fut sans doute pas trop difficile, ce général n’étant autre que Charles de Gondi, fils d’Albert de Gondi. L’obtention de cette sinécure permit à César de Cafardel, qui commençait à prendre de l’âge, de quitter le métier des armes.

On le trouve ensuite habitant Paris, dans la paroisse de Saint Landry, en qualité d’écuyer de l’évêque de Paris, Henri de Gondi, autre fils d’Albert de Gondi. Il épouse le 28 mai 1607 à Saint Landry Françoise de Tanchelion (veuve de Jean de Pedoue, procureur au Parlement de Paris), dont il eut plusieurs enfants. L’aîné, baptisé le 15 décembre 1608, se prénommait Henri, comme l’évêque de Paris Henri de Gondi, qui en était peut-être le parrain (le registre de la paroisse de Saint Landry ne le mentionne pas).

En 1609, César de Cafardel, reconnu comme d’origine noble par de nombreux témoignages de la part des Gondi et d’italiens vivant en France mais ayant connu sa famille italienne, est officiellement anobli par Henri IV. Une fois noble, pour vivre noblement, il faut une seigneurie.

Nul doute que Françoise de Tranchelion, dont la famille possédait la seigneurie d’Armenonville, voisine d’Yermenonville, trouva une solution facilement. Jacques d’Ecrosnes, couvert de dettes et ayant cédé Boigneville à son fils François, voulait vendre la seigneurie d’Yermenonville, ce que les voisins Tranchelion n’ignoraient pas.
 
C’est ainsi qu’en 1610 César de Cafardel, né à Tursi en Italie sous le nom de Cafarelli, devint après une longue carrière de page, de militaire puis d’écuyer au service des Gondi, seigneur d’Yermenonville et capitaine entretenu des galères du roi. Il n’aura sans doute jamais navigué que sur la Voise …