Les premiers seigneurs de Boigneville
omme on l'a vu, nous ignorons ce qui s'est passé dans le domaine d'Yermenonville avant Foulques de Loudun, premier seigneur connu et mentionné en 1355 dans les archives du Château de Maintenon (1). C'est donc vers Boigneville qu'il faut nous tourner pour savoir ce qui s'est passé aux débuts de la période féodale, aux alentours de 1094.
C'est une recherche effectuée par un médecin de Gallardon, le docteur Gillard, qui nous a mis sur la piste du premier seigneur connu de Boigneville, Ingelbert. Ce Dr Gillard a consacré, il y a maintenant plus d'un siècle, beaucoup de son temps à des recherches historiques sur la région de Gallardon. Il a fourni, dans un manuscrit rédigé en 1916-1917, et lu en séance à la Société archéologique d'Eure et Loir (SAEL) en 1924, de très nombreuses et précieuses informations sur les premiers seigneurs de Boigneville, en indiquant très souvent ses sources. Nous devons à la générosité de Maurice Vié, historien lui aussi de Gallardon, d'avoir pu consulter une copie de ce manuscrit.
INGELBERT DE BOIGNEVILLE
Un certain Ingelbertus de Bunenavilla (Ingelbert de Boigneville) est effectivement cité dans le Cartulaire de l'abbaye de Bonneval (2).
Il apparaît comme témoin (nous verrons bientôt l'importance de ce rôle de témoin) lors d'une donation officielle faite, le jour de la St Nicolas, en faveur des religieux de l'abbaye de Bonneval, par Hugues, seigneur de Gallardon, Auneau et autres lieux. Ce dernier manifestait ainsi sa reconnaissance envers des religieux qui avaient enterré son père, Hervé de Gallardon. Le Dr Gillard, par une savante analyse, date cette affaire de 1094.
HERVÉ DE BOIGNEVILLE
Nous ne savons rien d'autre sur cet Ingelbert, sauf qu'il possédait au moins une maison à Gallardon. Son fils Hervé apparaît dans plusieurs documents anciens sous le nom de "Herveus Ingelberti", c'est à dire Hervé fils d'Ingelbert. Le Dr Gillard l'a trouvé d'abord dans un chartrier de l'abbaye de Marmoutier : Hervé y est cité parmi les compagnons de Gui de Gallardon, lors d'une donation faite en 1113 par Foulques d'Anjou en remerciement de l'accueil des moines de Marmoutier lors d'une expédition guerrière.

Cet Hervé est très souvent cité dans le Cartulaire de l'abbaye de Josaphat (3). On l'y appelle plusieurs fois "Herveus Ingelberti", mais aussi "Herveus Galardonensis", Hervé le gallardonnais, à ne pas confondre avec Hervé de Gallardon, seigneur de ce lieu.  Cet Hervé est présenté comme 'miles' (chevalier), fils et héritier d'Ingelbert. Mais, après avoir été lui aussi seigneur de Boigneville, il se fait moine vers 1130. Et, comme cela se faisait beaucoup, il donne une partie de ses biens  à l'abbaye qui l'accueille : ce qu'il possède à Gallardon, des terres à Louville et Ouarville, et des terres à Moineaux à l'exception en ce lieu d'un moulin et de terres attenantes qu'il donne à sa soeur Ameline et au mari de celle-ci, Bernard Champelin.

Hervé de Boigneville est très actif au sein de son abbaye, dont il devient "camerarius" (chambrier), c'est à dire le principal intendant. Il participa à la recherche active de donations à l'abbaye. On voit même un moine envoyé au chevet d'un mourant pour obtenir de lui un legs. Mais, lors de ces donations ou legs, on pouvait s'inquiéter de l'attitude d'héritiers présomptifs se sentant lésés, ou du seigneur dominant qui perdait toute possibilité ultérieure de récupérer les terres données (ce qu'il pouvait faire par exemple en cas de deshérence ou de saisie féodale). Il fallait donc que l'abbaye se protège, en un temps où la force faisait souvent la loi. On organisait donc des cérémonies officielles de donation, où les héritiers présomptifs et les seigneurs devaient donner leur consentement, en présence de nombreux témoins : cela devait garantir l'application des décisions prises. Ces listes interminables de témoins ont un précieux avantage pour nous aujourd'hui : on y voit défiler toutes les personnes qui comptaient à l'époque ! Et même parfois plus, puisqu'il arrive qu'on mentionne comme témoin un valet de chambre ou un concierge ... A partir de 1145, le cartulaire de Josaphat ne mentionne plus Hervé, et en 1151 un nouveau chambrier fait son apparition (Drogo). Hervé est sans doute mort entre ces deux dates. Mais il n'était plus seigneur de Boigneville depuis 1130 environ.
Vue de l'abbaye St Florentin de Bonneval au 17ème siècle.
Source : Thiroux, Jean (1663-1731). Histoire abrégée de l'Abbaye de Saint- Florentin de Bonneval / des RR. PP. dom Jean Thiroux et dom Lambert ; continuée par l'abbé Beaupère et M. Lejeune ; publiée sous les auspices de la Société dunoise, par le Dr V. Bigot,.... 1875.
Disponible sur gallica.bnf.fr