Les droits honorifiques et la prééminence dans l’église d’Yermenonville
Les relations entre les seigneurs d’Yermenonville et ceux de Boigneville n’ont apparemment jamais été ni simples ni cordiales ! Tout d’abord il faut souligner que les deux seigneuries étaient situées sur la même paroisse, celle d’Yermenonville, mais que les églises successives y ont été bâties par les seigneurs de Boigneville. Dans plusieurs documents, les seigneurs de la famille d’Ecrosnes évoquent leurs « prédécesseurs, fondateurs et patrons » de l’église d’Yermenonville : cela signifie qu’ils en ont financé la construction, et qu’ils l’ont dotée (par exemple, en donnant des terres de rapport à la fabrique). En contrepartie, car une telle opération avait ses avantages, les fondateurs et patrons et leurs successeurs ont bénéficié de la primauté des «droits honorifiques» dans l’église d’Yermenonville, et du droit de percevoir les dîmes de Boigneville, dites « inféodées », en lieu et place du curé.   
Nous ne savons pas si le premier fondateur a été Ingelbert de Boigneville, son fils Hervé, ou bien un de leurs successeurs de la famille de Champelin. Seule certitude : en 1355, dans son aveu à Foulques de Loudun, Jeanne d’Ecrosnes, présentée comme « dame de Boigneville » et probablement soeur de Renault d’Ecrosnes, reconnaît percevoir les dîmes de grain et de vin de Boigneville. C’est donc une affaire très ancienne. 

Quelle est donc la substance de ces droits honorifiques ? L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert le dit assez clairement : c’est le droit d’avoir un banc permanent dans le chœur, et une litre ou ceinture funèbre autour de l'église, tant au dedans qu'au dehors, et d’être enterré dans le chœur de l’église. 

Si plusieurs seigneurs disposent de ces droits, celui qui a la prééminence est mieux placé, et bénéficie « de la préséance à l'église, aux processions et aux assemblées qui regardent le bien de l'église, à avoir le premier l'eau bénite, l'encensement, le pain béni, le baiser de la paix, la recommandation aux prières nominales ». 

On y lit aussi que tout seigneur haut justicier bénéficie des droits honorifiques même si, dans sa paroisse, un « fondateur et patron » a la prééminence. Ce point est important, comme on va le voir. 

Cela peut faire sourire aujourd’hui, mais les bénéficiaires de ces droits de prééminence y attachaient une importance considérable : les seigneurs de Boigneville montraient tous les dimanches, à la messe  et aux vêpres, leur supériorité sur les seigneurs d’Yermenonville face à tous les manants rassemblés. 

Les émissaires de Madame de Maintenon, à la fin du 17ème siècle, l’évoquent précisément dans leur état des lieux (2) : dans l’église, un banc, sur la gauche, est réservé aux seigneurs de Boigneville, qui sont par ailleurs enterrés dans la partie centrale du chœur et dans sa partie gauche. Un banc, en retrait, était destiné aux seigneurs d’Yermenonville, qui pouvaient être enterrés uniquement sur la partie droite du chœur. Sur les murs intérieurs et extérieurs de l’église, les armes et litres des seigneurs de Boigneville (décor funèbre mis en place lors d’un décès) étaient placés plus haut que celles des seigneurs d’Yermenonville. 

Il semble bien qu’à plusieurs reprises, les seigneurs de Boigneville aient essayé de supprimer complètement les droits de leurs rivaux.