La guerre contre César
En août 1611, César de Caffardel profite apparemment (c’est François d’Ecrosnes qui l’écrit) de l’absence de ses rivaux pour faire poser son banc dans le chœur de l’église. Il serait venu accompagné d’hommes armés, en toute clandestinité. La réaction de François d’Ecrosnes est immédiate : il fait enlever, briser et brûler ledit banc !

Très vite, César de Caffardel réagit devant les tribunaux (au civil et au criminel) puis accepte finalement de s’en remettre à un arbitrage confié à quelques nobles de la région, sous la présidence de Charles d’Escoubleau, marquis d’Alluyes.
Nous possédons la très longue lettre que François d’Ecrosnes adressa à ce dernier. C’est un incroyable salmigondis, certainement rédigé par un juriste, enjolivé de formules latines tirées du droit romain, ressassant à l’infini le même argument (« le contrat de vente n’a pas été respecté », et terminant par des considérations prosaïques : le chœur de l’église d’Yermenonville est « fort petit : dans icelui sont les tombeaux et monuments des ancêtres du seigneur de Boigneville » !

Nul, sauf un Ecrosnes, ne devait prendre place sur les tombeaux de ses ancêtres, « descendant en droite ligne de Messire Guérin d’Ecrosnes chevalier et écuyer du roi Philippe le Bel : lequel Ecrosnes décéda en l’an 1300 et est enterré sous une tombe en l’abbaye des Vaux de Cernay ». François d’Ecrosnes s’y perd dans ses glorieux ancêtres, et celui qu'il cite n'est même pas enterré à Yermenonville (si la date de décès est bien 1300, il s’agit de Colin d’Ecrosnes ; ou alors il s’agit de Simon, qui a fait une dotation aux Vaux de Cernay en 1317 sans doute peu avant sa mort) ; mais peu importe : l’argument est bien faible …. 

Sans surprise, les arbitres arrêtent que « le banc du seigneur d'Yermenonville sera dans le chœur de l'église, tout contre les marches mais au-dessous d'elles et au-dessous du banc du seigneur de Boigneville et qu'il aura sa sépulture aussi dans le chœur pour lui et pour sa famille depuis le haut de son banc jusqu'à la cloison qui sépare le chœur d'avec la nef en longueur sur huit pieds de largeur ». Fureur et déconvenue dans la famille d’Ecrosnes … (1 et 3)

Pendant deux ans, il semble que Caffardel n’ait rien entrepris pour faire valoir son bon droit. Cependant son épouse, Françoise de Tranchelion (peut-être aussi détestée par les Ecrosnes comme sœur du seigneur d’Armenonville) meurt le 15 avril 1613. Elle est enterrée  dans le chœur de l’église, comme en attestent le registre paroissial tenu par le curé (6), et le témoignage des émissaires envoyés à la fin du siècle par Madame de Maintenon, qui décrivent sa pierre tombale.

Le décès et l'enterrement de Françoise de Tranchelion dans l'église d'Yermenonville, en avril 1613.
Archives communales d'Yermenonville, registre paroissial

Mais il a dû se passer de graves troubles lors de l'enterrement de Françoise de Tranchelion : François d’Ecrosnes, accompagné de ses frères Jacques et Guillaume, et de leur serviteur Jehan Pigeon ont sans doute troublé ou tenté d’empêcher les obsèques et l’inhumation de Françoise de Tranchelion. On ne connaît pas le détail de l’affaire, mais le 30 mai 1613 les fauteurs de trouble sont lourdement condamnés, avec menace de prison en cas de récidive ou de non-paiement des amendes qui leurs sont infligées. Cette condamnation nous est connue car François d’Ecrosnes fait appel en mars 1614. Les amendes concernant ses frères et Jehan Pigeon sont alourdies, le procureur ayant fait appel a minima (7). 

Pour finir cette querelle à son profit, « César de Caffardel, écuyer, seigneur d’Yermenonville, capitaine pour le roi sur ses galères du levant, suivant la requête par lui déposée en décembre 1614, par raison du trouble à lui fait lorsqu'il a voulu faire mettre une tombe dans le chœur de l'église sur la droite où la défunte demoiselle sa femme est enterrée, est autorisé à prendre le titre d'écuyer et placer sa litre dans l'église d'Yermenonville en dessous de celles des Ecrosnes, et y jouira de tous les droits honorifiques ». (3

Dernière escarmouche en 1636 : Anne de Frénicle, épouse de François d'Ecrosnes, dépose une plainte au motif que "le pain bénit en l'église a été offert au jeune frère du seigneur d'Yermenonville avant de lui être présenté" (3) . L'affaire ne va pas plus loin ...

François d’Ecrosnes n’insistera plus. Et même, après le départ des Caffardel et l’arrivée d’Antoine Riotte, il acceptera que la veuve de ce dernier, Anne Bigorne, soit enterrée (faute de place : son époux et sa mère l’ont précédée de peu dans la mort et dans le chœur de l’église) dans le secteur réservé des Ecrosnes, en raison de l’amitié et de l’estime qu’il éprouvait pour les Riotte. (3

Ensuite, il n’y aura plus de querelles, faute de combattants : dans un premier temps Dominique de Ligny, évêque de Meaux, personnage considérable accessoirement seigneur d’Yermenonville, ne devait pas y venir souvent à la messe du dimanche, et n’était certainement pas en manque d’honneurs ; dans un second temps il acheta Boigneville à la mort de François d’Ecrosnes, et ne se chercha pas querelle à lui-même !