Rappelons qu'en 1674, au moment où Françoise d'Aubigné achète le marquisat de Maintenon, les deux seigneuries d'Yermenonville et Boigneville appartiennent à l'évêque de Meaux, Dominique de Ligny. Le chapitre de Chartres, par l'intermédiaire de sa prêtrière de Mévoisins, possédait toujours sa petite seigneurie traversant le territoire des deux villages.
En 1677, les deux seigneuries furent données en cadeau de mariage à Marie de Ligny, qui épousait le prince de Fürstenberg. Lors du mariage du roi et de Madame de Maintenon en 1683, la princesse de Fürstenberg en est encore propriétaire. Le canal n'étant pas commencé, le roi n'avait pas encore visité la vallée de la Voise, et ignorait certainement tout de Boigneville. On ne peut donc guère accorder de crédit à la légende qui circule, qui veut que Louis XIV aurait demandé sa main à Madame de Maintenon dans la chapelle de Boigneville. Dommage, la légende était belle ...
Lorsque Louis XIV fait entreprendre un canal destiné à amener de l'eau à Versailles qui en manquait (la machine de Marly n'avait pas tenu ses promesses), ce sont les choix techniques des concepteurs du projet ( Louvois,Vauban, La Hire) qui décident d'un tracé traversant le domaine de Maintenon, et de la construction d'un gigantesque aqueduc.
L'ensemble du chantier aura un impact considérable sur la vie et la physionomie d'Yermenonville et Boigneville (voir le chapitre consacré au canal). Mais aussi un effet inattendu : le chantier et l'aqueduc avaient certainement défiguré le parc du château de Maintenon. Cet aqueduc, qui fait aujourd'hui figure d'une belle ruine romantique fermant la perspective du parc, n'apparaissait sans doute à l'époque que comme un édifice utilitaire, trop neuf, et de surcroît inachevé. Querelle de ménage à Versailles ? On ne sait pas. Toujours est-il que Louis XIV veut dédommager son épouse et, pour cela, fait racheter par Louvois les propriétés des Ligny-Fürstenberg (Grogneul, Saint Piat, Yermenonville, Boigneville et autres lieux) en 1687.
En 1687, nos deux seigneuries deviennent donc propriété de Madame de Maintenon. Cet achat a eu finalement bien des avantages pour nous qui essayons d'en écrire l'histoire ! Tout d'abord, on avait oublié (ou fait semblant ...) qu'il y avait dans la paroisse la petite seigneurie du chapitre de Chartres. D'où, assez rapidement, protestations de ce dernier et ouverture d'un long procès. Madame de Maintenon, ignorant tout de notre village, y envoya des observateurs, qui nous ont laissé de passionnantes descriptions des lieux (11) en cette fin de 17ème siècle, et fait établir de magnifiques cartes, détaillées et colorées.
Le conflit se terminera bien plus tard et, pour finir, c'est un héritier de madame de Maintenon qui rachètera sa petite seigneurie au chapitre au milieu du 18ème siècle. L'autre heureuse conséquence est que les archives de nos deux seigneuries furent, comme c'était l'usage, récupérées par la nouvelle propriétaire. Conservées au château de Maintenon, elles y ont été classées et inventoriées au 18ème siècle, et ont échappé aux destructions révolutionnaires. C'est donc grâce à ce rachat, et au travail considérable de Monsieur Raindre que ces archives sont aujourd'hui consultables aux Archives départementales d'Eure et Loir. Nous réitérons ici nos remerciements à Monsieur Raindre. Peut-être devrions nous aussi remercier Louis XIV de sa bonne initiative ...
Pour clore l'histoire de notre village sous l'ancien régime, signalons que Madame de Maintenon fit don de son château et de ses terres à sa nièce, qui épousa en 1698 Adrien Maurice de Noailles. Le fils de ce dernier, Louis de Noailles, était propriétaire du marquisat de Maintenon (et donc de nos deux seigneuries) à la Révolution. Il mourut en 1793, en pleine Terreur, et son héritage est une affaire bien complexe que nous racontons par ailleurs ....