Les Noailles et l'émigration sous la Révolution
Plusieurs membres de la famille de Noailles avaient pris le chemin de l'étranger sous la Révolution. mais d'autres ne l'avaient pas fait, et certains combattaient même l'idée d'émigrer. Mais, le bruit s'étant répandu que "les Noailles avaient émigré", les affaires de ceux qui étaient restés en France allait singulièrement se compliquer.
Depuis 1792, les biens des émigrés étaient confisqués au profit de l’Etat, et pouvaient être tout simplement vendus comme biens nationaux (comme l’avaient été les biens de l’Eglise). 

Louis de Noailles, immobilisé depuis  bien des années dans sa maison de St Germain en Laye par ses « infirmités », comme on disait à l’époque, n’avait pas émigré, soit par conviction, soit parce qu’il était dans l’incapacité de le faire.

Cependant, n’étant pas apparu depuis longtemps dans nombre de ses demeures, son nom avait été inscrit sur des listes d’émigrés établies par plusieurs départements, dont celui d’Eure et Loir en juin 1792. Le maréchal avait obtenu rapidement que son nom soit ôté de cette dernière liste, et avait sans doute considéré que l’affaire était close. Bien à tort … 

Deux de ses enfants, Jean Paul et Adrienne avaient, eux, bel et bien émigré. Ce n’était pas le cas du troisième, Emmanuel Marie Louis de Noailles. Mais celui-ci s’était mis dans une situation embarrassante : jusqu’en avril 1792, il était ambassadeur de France à Vienne. L’Autriche, patrie de Marie-Antoinette, était perçue comme la principale ennemie de la Révolution. Le 21 avril 1792, Emmanuel de Noailles reçoit donc l’ordre de rentrer en France. Il demande pour ce faire un passeport aux autorités autrichiennes, qui font traîner l’affaire : on attend en effet à Vienne d’avoir la certitude que le représentant autrichien à Paris ait pu se mettre à l’abri à Bruxelles. Emmanuel ne peut donc pas rentrer immédiatement en France (il sera de retour chez son père à St Germain le 20 juin seulement). Ce retard lui sera pourtant longtemps reproché, entretenant l’idée qu’il avait été tenté par l’émigration. 

Emmanuel de Noailles écrira plus tard qu’il n’avait jamais approuvé « le délire de l’émigration », ce qui avait, de son propre aveu, compliqué singulièrement ses relations avec les membres de sa famille. 

Mais le mal était fait : la rumeur était bien lancée en Corrèze, Dordogne, Eure et Loir, Seine, Seine et Oise, Tarn, etc. que « les Noailles avaient émigré », l’expression englobant aussi bien le maréchal que ses héritiers, 

Or l’enjeu était de taille : si le maréchal n’était pas radié définitivement par un acte officiel des listes d’émigrés, c’est l’intégralité de son héritage qui était confisqué par l’Etat. Même confiscation si tous les héritiers restaient considérés comme émigrés.