En 1610, nous l'avons vu, Jacques d'Ecrosnes avait vendu la seigneurie d'Yermenonville pour payer les dettes qu'il avait envers Jean de Ligny. L'acquéreur, César de Caffardel, était l'époux de Françoise de Tranchelion. Celle-ci, en premier mariage, avait épousé Jean de Pedoue. Elle en eut trois enfants : une fille, qui mourut jeune, et deux fils, Gaston et François de Pedoue. Jean de Pedoue mourut en 1606. Elle était aussi la soeur du seigneur d'Armenonville, qui servit sans doute d'intermédiaire dans la vente. Un ouvrage consacré à François de Pedoue (publié chez Garnier à Chartres en 1866) présente César de Caffardel comme écuyer d'Henri de Gondi, évêque de Paris.
La famille Gondi, qui cumulait les charges et les honneurs, détenait l'office de Général des galères du levant : le père d'Henri, Albert de Gondi, puis ses frères Charles et Philippe-Emmanuel eurent cette fonction, qui ne les amena certes pas à naviguer ! Il demeuraient à Paris, comme César de Caffardel qui est présenté dans un texte de 1614 (7) comme Capitaine des galères du roi. C'était un soldat, et non un marin : il avait obtenu par la faveur royale d'être "capitaine entretenu", c'est à dire qu'il percevait sa solde de capitaine sans avoir aucun emploi réel. Son fils Henri (peut-être filleul d'Henri de Gondi, en tout cas en portant le prénom) aura le même avantage, très certainement grâce aux Gondi.
Les registres paroissiaux d'Yermenonville gardent la trace du baptême de leur fille Marie, en 1611, et du décès, à l'âge de 36 ans, de Françoise de Tranchelion, qui fut enterrée dans l'église (2). Ce dernier détail n'est pas sans importance : à peine arrivée, la famille Caffardel essaie de trouver sa place dans la paroisse d'Yermenonville, face aux Ecrosnes implantés là depuis le 13ème siècle. Ce ne sera que querelles et procès à propos des droits honorifiques dans l'église (voir le chapitre "Querelles entre seigneurs").
César de Caffardel meurt vers 1630. Son fils Henri lui succède. Il apparaît dans les registres paroissiaux d'Yermenonville comme "capitaine des galères du roi" ; il épouse Louise de Menou à Yermenonville en 1636 (2). Ils auront plusieurs enfants, avec des naissances parfois très rapprochées (Pierre et Jean, nés en 1639, François-Gaston et Jacques en 1643). Il est curieux de constater que Gaston de Pedoue, seigneur d'Attonville, est le parrain de François-Gaston : s'il a transmis son prénom au nouveau-né, il est aussi au nombre des héritiers de sa mère Françoise de Tranchelion, veuve en premier mariage de Jean de Pedoue, son père. Et Gaston de Pedoue, membre de la famille et parrain d'un enfant, a pourtant demandé la saisie de la seigneurie d'Yermenonville en 1642 (3) et obtenu sa vente par adjudication en 1643 (4), probablement pour toucher sa part d'héritage. C'est Jean de Ligny qui achète alors Yermenonville, et le Chapitre de Chartres s'empresse de faire prélever sur le produit de la vente 29 années de cens et amendes impayés (5). Encore une fois, la possession d'Yermenonville n'a pas réussi à son seigneur ...
Et la seigneurie d'Yermenonville va encore changer de mains plusieurs fois !
En 1647, Jean de Ligny revend Yermenonville à Antoine Riotte (6). Ce dernier est qualifié, dans les registres paroissiaux d'Yermenonville, d'abord de grand écuyer de la Grande Ecurie du Roy, puis d'exempt sous la charge du grand prévôt de France (2,7). Autrement dit c'est un policier de haut niveau, chargé de tous les problèmes pouvant survenir dans l'entourage du roi (rappelons que les débuts du règne de Louis XIV, sous la tutelle d'Anne d'Autriche et de Mazarin, n'ont pas été de tout repos). C'est très certainement dans l'entourage du roi que Jean de Ligny et Antoine Riotte se sont rencontrés. D'ailleurs, le parrain du fils d'Antoine Riotte, prénommé Dominique, est Dominique Séguier, évêque de Meaux et oncle de Jean de Ligny. On retrouvera bientôt un autre évêque de Meaux ... La marraine est Marie Boyer, épouse de Jean Tambonneau et soeur d'Elisabeth Boyer, femme de Jean de Ligny. Le duc de Saint Simon affirme dans ses mémoires que "cette madame Tambonneau était riche, bien logée et meublée, et avait trouvé le moyen de voir chez elle la meilleure et la plus importante compagnie de la Cour et de la ville....Elle ne sortait presque point de chez elle, et s'y faisait respecter comme une reine". C'est donc un événement de la voir à Yermenonville au baptême du fils d'Antoine Riotte, qui avait donc des relations haut placées ! Ajoutons pour finir que la troisième soeur Boyer, Louise, avait épousé le maréchal de Noailles, qui deviendra un jour propriétaire de Maintenon.
Les registres paroissiaux d'Yermenonville gardent une trace du baptême de Dominique Riotte, fils d'Antoine Riotte et Anne Bigorne. Le parrain, Dominique Séguier, est alors évêque de Meaux et oncle de Jean de Ligny. La marraine, Marie Boyer, femme de Jean Tambonneau, est la soeur d'Elisabeth Boyer, épouse de Jean de Ligny. Les liens avec la famille de Jean de Ligny sont manifestes !
Antoine Riotte, ayant acquis une charge anoblissante, était selon la coutume à la recherche d'une seigneurie pour avoir toutes les apparences de la noblesse. C'est donc Jean de Ligny qui la lui fournit ! Mais la malédiction d'Yermenonville se manifeste encore une fois : en quelques semaines, en 1650, la belle-mère d'Antoine Riotte, lui-même et enfin sa femme Anne Bigorne décèdent tour à tour. Et comme on manque de place dans le choeur de l'église d'Yermenonville pour ensevelir Anne Bigorne, une autorisation spéciale est accordée par François d'Ecrosnes pour lui faire une place dans la zone réservée à sa famille depuis le 15ème siècle (7), en raison de l'amitié qu'il portait à Antoine Riotte. On trouvera plus de détails sur cette affaire dans le chapitre consacré aux pierres tombales.
En 1650, Jean de Ligny revient, et rachète aux hértitiers Riotte la seigneurie d'Yermenonville (8), qu'il revendra presque immédiatement à son frère en 1652. Et ce n'est pas fini ...